Kûkai
(dont le nom bouddhiste posthume est Koubou Daishi) (774 - 835) est un
moine bouddhiste, fondateur du bouddhisme Shingon. Il est
considéré au Japon comme un grand saint, un
lettré
qui a inspiré la civilisation japonaise, un poète
et un
grand organisateur, créateur d'écoles
populaires.
Il aurait créé le syllabaire hiragana qui permet
d'écrire le japonais. Il a fondé la ville sainte
de
Koyasan et dirigé le temple Tô-ji
à Kyoto,
toujours centres du Shingon.
Il est né à Shikoku (Zentsuji) en 774 sous le nom
de Saeki no Mao (佐
伯 真魚).
Il fit des
études à Kyoto, puis se dirigea vers le
bouddhisme. Il
eut une période d'ascète errant, entre
autres dans
les grottes du Cap Muroto à Shikoku, où il prit
le nom de Kûkai, puis partit en Chine
à Ch'ang-an (Xi'an) étudier lors d'une ambassade (en
même
temps que Saichou, fondateur du Tendai). Il y apprit le sanscrit et le
bouddhisme ésotérique Mi Tsung, venant
du Vajrayana
" véhicule
de diamant", que le bouddhisme
tibétain a
développé plus tard.
Rentré au Japon, il fonda l'école Shingon.
Contrairement
aux autre écoles, il affirmait qu'on
pouvait « Devenir Bouddha dans cette vie
avec ce
corps ». En 815, il fonda Koyasan 高野山 こうやさん, la
ville sainte
du Shingon, sur la péninsule de Kii au sud d'Osaka, et en
832
prit en charge le Tô-ji de Kyoto.
Son tombeau se trouve au fond d' Oku no In 奥の院 (おくのいん)
à
Koyasan. Les fidèles pensent qu'il y est toujours en
méditation. Des millions de japonais sont venus mettre leur
tombeau près de lui, sous une allée couverte de
cryptomères multicentenaires. C'est un lieu de
pèlerinage
très fréquenté, siège de
l'école Shingon.
Il a reçu 100 ans après le titre posthume de
Koubou
Daishi (Daishi = grand Maître, Koubou = transmetteur de la
Loi).
Employé seul, le terme Daishi (grand maître) au
Japon se
réfère en principe à Kûkai.
Le pèlerinage des
88 temples de Shikoku se finit souvent à
Koyasan, par une
dernière visite à Kûkai (il repose dans le temple derrière l'Okunoin), et un dernier tampon de
l'Oku no in.
Okunoin
Noukyoujo
Photos de Koyasan en français (site Fredasie)
Le train, puis le funiculaire et
enfin le bus vous amèneront à Koyasan en partant de la
gare de Namba à Osaka, par la Nankai Koyasan Line. Le Kansai
thru pass comprend ce trajet, sauf les Limited express.
Tout sur Koyasan et le trajet sur Nankai (en français!)
Nankai line
On peut aussi
s'arrêter à Kudoyama et monter à pied à
Koyasan en 7 heures, mais il faut arriver avant 17h dans les temples
pour loger.
Koyasan Choishi stupa route
(Chouishimichi)
Malheureusement, Koyasan est
devenu une destination touristique mondiale où les occidentaux,
chinois, coréens viennent par bus entiers passer une
soirée dans un monastère pour la soirée "typique"
de leur voyage, seule occasion de dormir sur des tatamis et de manger
un repas végétarien assis par terre, à un prix
astronomique. Ne comptez plus y trouver un maître spirituel, mais
plutôt un père hôtelier un peu blasé. Allez-y
quand même finir votre pèlerinage!.
Le
bouddhisme japonais
Pour
les religions monothéistes, le monde a
été
créé par Dieu et a donc un but
qu'il faut atteindre.
Toute l'Histoire de l'humanité ne tend que vers ce but. Les
athées occidentaux l'ont transformé en
"progrès",
mais le principe reste.
Un
pèlerinage
chrétien se comprend donc comme une marche vers un but
final: on va
à St Jacques de Compostelle (Santiago) ou à Rome, le but (et on revient en
avion en 2 heures!).
Les orientaux ne voient pas le monde en marche vers un avenir
radieux, mais des cycles qui recomment à l'infini: le
pèlerinage de Shikoku fait donc un cercle qui revient
à
ses origines (pour repartir aussitôt). Lorsqu'on a fini le
pèlerinage de Shikoku, on revient au temple numéro 1 et
on reprend le tour suivant...2 fois, 3 fois,...100 fois...
Les religions
hindoues ont inventé
- la notion
d'âme individuelle, goutte de Dieu en l'homme
("Tat tvam asi = tu es Cela"),
idée reprise par les grecs et les chrétiens, non signifiante dans le bouddhisme..
- les
réincarnations en fonction des actes dans les
vies antérieures , idée reprise par le
bouddhisme.
L'idée de réincarnation que les occidentaux trouvent
sympa (on
revit!) est une calamité pour les hindouistes et les
bouddhistes
(on retourne dans la souffrance, dans les
"ténèbres
extérieures" dirait-on chez nous).
Pour le bouddhisme
originel, les
notions
de création, d'âme ou de dieux ne sont pas
significatives
(c'est l'esprit qui se réincarne), et on se demande encore
s'il
s'agit d'une
philosophie ou d'une religion. On a pu ainsi parler de religion des
athées ou de simples techniques de méditation
(comme
souvent le zen en occident).
Il cherche
une solution aux
problèmes de la vie de l'homme
dans
le monde, sans chercher d'où vient l'univers. Son but est de
sortir du cycle des
réincarnations subies par l'homme du fait de son ignorance
et de
ses actes. La souffrance vient du désir: si on supprime le
désir, on peut arriver à l'illumination,
atteindre le
nirvana (délivrance totale de la souffrance et
vérité absolue) et devenir un Bouddha
éveillé. Un boddhisattva recule le moment de
l'éveil total pour rester aider les hommes. Il existe une
dévotion pour les bouddhas ou boddisattvas, mais ils ne sont
pas
considérés dans le bouddhisme original comme des
dieux, plutôt comme des saints
ou des anges qui peuvent aider à progresser. La
"déité" n'est que la représentation
d'une
qualité. On n'adore pas une statue bouddhiste, on vient voir
la
qualité qu'elle représente (vertu,
bonté,
compassion,...) pour s'en inspirer ou à un degré au-dessous pour demander l'aide de cette
"déité" pour
atteindre cette qualité.
Comme souvent, la religion populaire s'est bien éloignée
de ces principes de base, et on voir les gens demander à Jizou
de faire bon voyage, à Bokefûji Kannon de ne pas avoir
l'Alzheimer, comme on prie chez nous devant la statue de St Christophe,
St Antoine ou Ste Rita.
Il existe 2 formes
de bouddhisme:
-
la voie du
Sud Hinayana (petit véhicule) ou Theravada,
répandue en Inde, Ceylan, Thaïlande...
Seuls les moines peuvent atteindre l'Eveil, les autres seulement une
diminution de la souffrance.
-
la voie du nord
Mahayana (grand véhicule), Chine, Japon
Tous peuvent atteindre
l'éveil.
Syncrétisme avec les religions locales (shinto au Japon)
donc
voie plus "divinisée", avec des représentations
de
bouddhas et boddhisattvas qui sont quasiment des "divinités"
(Dainichinyorai, Amida, Kannon, Fudomyou...).
Le
bouddhisme fut introduit au Japon pendant la période de Nara
par
le prince Shotoku (574 -622), mais se développa surtout
autour
de 800 avec l'introduction des écoles Mahayana: Tendai
(école du Sutra du lotus) par Saichô en 805
et Shingon par Kûkai en 806. Le Shingon
venait de la
voie tantrique Vajrayana (voie du diamant), à partir de
laquelle
s'est développé le lamaïsme
tibétain. Le
Vajrayana fait partie du Mahayana.
Par la suite, les autres branches du Mahayana furent introduites au
Japon:
- Terre
pure (Jôdo de Honen 1175, Jôsdoshin de Shinran
1284),
centré sur Amida, "divinité" vivant dans le
paradis de
l'Ouest et sur le boddhisattva de la compassion Avalokiteshvara devenu
au passage une femme: Kannon. Il suffit de
répéter le
mantra "Namu Amida Butsu" pour être sauvé dans le
Jôdo, et même rien à faire dans le
Jôdoshin.
L'école de Nichiren en 1253 demande seulement de
répéter le titre du Sutra du Lotus "Namu myoho
renge
kyo".
-
Zen (1191) Eveil direct par la méditation, Rinzai
de Eisai
(1191) basé surtout sur les koans (énigmes) et
Soto de
Dogen (1227) basé surtout sur le zazen
(méditation
assise).
Le Shingon
Vous trouverez une présentation
complète du Shingon en
français
sur le site du Komyo-in:
Komyo-in
Vie de Kobo Daishi (site du Komyo-in)
Motivations des pèlerins
Fiona MacGregor a fait une thèse sur les motivations des
pèlerins.
Bibliographie
L'immense majorité (83 %) des henros font le tour en bus,
voiture, taxi.
Je ne parlerai ici que des marcheurs (autour de 11%).
- Une majorité a plus de 50 ans, les
étrangers sont plus jeunes
- 18% de femmes
- Beaucoup ne marchent que quelques jours
- 21% font les temples du Tokushima-ken (N°1 à 23)
sans poursuivre, comme on fait Le Puy - Conques
- 33% font le tour complet en une fois
- 1% fait le tour complet 88 temples + retour au numéro 1
Bien que Kûkai soit le saint du Shingon, la provenance
religieuse est variée:
- 33% Jôdo shin (Amida)
- 19%
de Shingon
- 17 % sans religion
(randonnée)
La moitié des étrangers était "sans
religion", les autres chrétiens ou bouddhistes.
Richard Barber a étudié les
pèlerinages,
Compostelle et non-chrétiens, il classe les
pèlerins en 3
groupes:
- par dévotion religieuse
- pour régler un problème personnel
- par curiosité et amour du voyage
Les motifs évoqués sont dans l'étude
de MacGregor, dans l'ordre de fréquence:
- Pèlerinage pour les ancêtres, la
famille ou après un décès
- Harmonie avec la nature, santé
- Foi ou ascétisme (= motif religieux)
- Découverte de soi
- Histoire et culture
- Curiosité, voyage
Autres
sentiers de pèlerinage
Kumano Kodo
J'ai
découvert les sentiers de pèlerinage en
faisant une partie du Kumano Kodo pour rejoindre les onsens au-dessus
de Kumano.
Il est accessible, mais il y a moins de logements que sur Shikoku,
certaines parties ont seulement des places de camping ou des huttes, et
donc il demande plus de préparation.
Les sentiers
sont assez durs, beaucoup d'anciens escaliers ou d'anciennes routes en
pierre disloquées demandant une attention soutenue, beaucoup de
dénivelé, passages de cols successifs entre chaque village, mais la nature est superbe:
Les sentiers de Kumano sont plutôt reliés au shintô,
mais ils relient Ise, sanctuaire principal shintô, ou Koyasan
centre du bouddhisme Shingon à Kumano qui a été un
centre du syncrétisme entre les deux religions (shinbutsu
shûgo).
De nos jours, ils sont plutôt
considérés comme des chemins de randonnée. On y
rencontre peu de pèlerins en tenue, plutôt des gens en
tenue de montagne qui marchent en boucle à partir d'un
hôtel de bord de mer.
Kumano : site
en français !
Sentiers
de la péninsule de Kii
**
Une voie "Sankeimichi Kohechi" va de Kumano
à Koyasan,
avec pas mal de dénivelé, mais en pleine
nature.
** Une voie "Omine Okugakemichi"
va
de Yoshino à Kumano, avec des passages à 2000
mètres. C'est une voie connue pour les pratiques
ascétiques de l'école Shugen. Une partie de 65 km
faisable en 4 jours est décrite dans le Lonely Planet
"Hiking in
Japan".
** La voie principale "Kiji" est décrite par
l'auteur de Chonta web qui nous a encore devancé: la
première partie de son périple dans le Kinki se
fait sur
la voie principale qui allait de Kyoto à Kumano. Un site
avec
cartes et altitudes. Cette voie passe par les cascades de Nachi.
Chonta
web Kinki
** Une voie "Sankeimichi Iseji" va de Ise à Kumano
Voie
de Ise
** Un site en anglais sur Kumano Hongu
Kumano Hongu
Compostelle
Plus
près de nous, le pèlerinage sur les chemins de
Compostelle est aussi une façon de pratiquer une
méditation active. L'augmentation du nombre de
pèlerins
depuis une dizaine d'année montre le besoin de retrouver ses
sources, la nature, du temps pour réfléchir ou se
retrouver, loin de l'agitation du monde et de la consommation.
Les
européens sont plus familiers avec la religion
chrétienne, qui est souvent la leur même si ils
l'ont un
peu oubliée, et entrent de plein pied dans le
pèlerinage
(ou la randonnée), sans avoir besoin de
préparation.
Terre et architecture leur sont encore familières et il y a
toujours un chemin qui part près de chez soi pour aller
à
Santiago.
Amis de St
Jacques
Chemin de
Compostelle
Chemin de
Compostelle 2
Ultreïa
!